Processus électoral en RDC : quels enseignements tirer du retrait des observateurs de l’Union européenne ?
Le 29 novembre 2023, l’Union européenne a décidé d’annuler sa mission d’observation électorale en raison d’un désaccord avec le gouvernement congolais autour du déploiement des équipements de communication de la mission. Cet incident vient s’ajouter à une série de controverses qui entourent un processus électoral déjà fortement critiqué. Que nous inspire cette décision de l’UE et quel impact aura-t-elle sur le déroulement des élections ?
Bonjour ! Je m’appelle Chimène Popoli. Je suis fellow à Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Nous sommes le vendredi 8 décembre 2023. Vous écoutez le 48e épisode de la saison 3 de Po Na GEC, la capsule audio d’Ebuteli et du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), qui éclaire, chaque semaine, un sujet de l’actualité congolaise.
La dernière mission d’observation électorale en RDC remonte à 2011. Lors des élections de 2018, le régime de Joseph Kabila n’avait pas autorisé le déploiement des missions internationales d’observation électorale, dans un contexte de détérioration des relations avec l’UE. L’ambassadeur de l’UE avait été expulsé et la Maison Schengen fermée sur décision du gouvernement congolais.
Aujourd’hui, les relations entre le pouvoir de Félix Tshisekedi et l’UE ne sont pas non plus au beau fixe. La Délégation de l’UE en RDC n’a pas toujours de nouvel ambassadeur depuis le départ, il y a quatre mois, de Jean-Marc Châtaigner. Ce dernier était longtemps soupçonné par l’entourage du chef de l’État d’être trop proche de l’opposant Moïse Katumbi. Nicolas Berlanga Martinez, successeur de Châtaigner, vient à peine d’arriver à Kinshasa et attend désormais de présenter ses lettres de créances au chef de l’État congolais, après avoir obtenu, enfin, l’agrément du ministère des Affaires étrangères.
Malgré tout, Kinshasa a invité la mission d’observation électorale de l’UE. Mais les services de sécurité ont intercepté certains matériels et équipements de communication nécessaires à la mission pour son déploiement en provinces. Après l’échéance de trois ultimatums, Bruxelles a alors estimé, le mercredi 29 novembre, que « ce n’est désormais plus possible de déployer ses 42 observateurs à long terme ». En coulisses, cette décision vient conforter la position du cabinet de Josep Borell, chef de la diplomatie de l’UE, dont la conseillère Afrique, Maud Arnould, « n’a jamais voulu » de cette mission d’observation européenne en RDC, croit savoir une source diplomatique occidentale basée à Kinshasa. De l’autre côté, les autorités congolaises, loin des regrets officiels, ont prétendu que certaines machines de la mission d’observation de l’UE pouvaient favoriser « le piratage d’un système informatique existant ». Ce qui aurait fait craindre aux services une éventuelle « infiltration » du système informatique de la Commission électorale nationale indépendante.
Ces craintes ne sont cependant pas nouvelles face aux initiatives extérieures destinées à contribuer à la transparence des élections en cours. En mai de cette année, invitée pour auditer le fichier électoral, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) avait également renoncé à cette mission sur fond de suspicions de connivence, alimentées par Kinshasa, entre les experts de l’OIF et la Rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de l’organisation.
L’audit du fichier finalement réalisé par les experts choisis par la Ceni continue d'être l’objet de controverse. Et il n’est pas mal indiqué de penser que ce couac entre le gouvernement et l’UE renforce la méfiance autour de ce processus électoral dont la transparence est déjà critiquée par une partie de la société civile et de l’opposition.
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