La liaison fixe au détroit de Gibraltar deviendra-t-elle aussi une idée fixe ? - Par Aziz BOUCETTA
Relier les deux continents, Afrique et Europe, un mythe, puis un rêve, et aujourd’hui un début de réalité fondé sur une volonté mutuellement exprimée de réalisation. Madrid et Rabat, de vieux « aminnemis » qui se connaissent bien, qui se sont mutuellement occupés au fil de l’Histoire, qui se sont tour à tour rapprochés, compris, éloignés, repris… semblent aujourd’hui être entrés dans une phase de concrétisation de leur liaison physique, une phase que l’on espère aussi longue que celle de la séparation.
1/ Histoire(s) du Détroit. Il y en a deux, l’une mythologique, selon laquelle Hercule ou Héraclès aurait fait de grands travaux d’infrastructure géologique, et l’autre, plus sérieuse, géologique tout court, qui explique la séparation des deux continents par une période de réchauffement climatique, de montée des océans et de submersion de terres ; la petite langue de mer qui existait alors, sur deux ou trois kilomètres, s’est élargie pour faire le Détroit actuel, large de 15 à 20 km.
Pour en revenir au grand Hercule, ses deux colonnes éponymes figurent aujourd’hui sur les armoiries du royaume d’Espagne.
2/ Histoire de la liaison fixe. Elle n’a jamais été une idée fixe dans l’esprit des dirigeants des deux pays ; Hassan II en avait parlé à son ami Juan Carlos, mais la politique était passée par là, faisant son œuvre, n’allant pas toujours dans le sens du rapprochement des peuples.
L’idée remonte donc aux années 70, puis 80, avant d’être enterrée sous les décombres d’une politique espagnole regardant vers le nord de l’Europe et de celles d’une stratégie de l’Europe s’étant détournée de son flanc sud après la chute du mur de Berlin.
Madrid et Rabat en ont encore vaguement parlé dans les années 2000, mais le cœur n’y était pas (encore) vraiment. Aujourd’hui, le projet est sorti de ses tiroirs et peut-être que cette fois, cela fonctionnera-t-il et peut-être même que la construction sera-t-elle sérieusement envisagée, étudiée, évaluée, lancée et achevée.
3/ Faisabilité du projet. Depuis la réalisation des canaux de Suez et de Panama, percés voici un siècle et demi, tout est devenu possible, tout est désormais faisable, tout est amplement réalisable.
Aujourd’hui, il y a les tunnels reliant la France et le Royaume-Uni sous la Manche (50 km, 15 milliards d’euros, 6 ans de 1987 à 1993), les îles de Honshu et Hokkaido sous le Pacifique, au Japon (54 km, 20 milliards de dollars actualisés, 12 ans de 1971 à 1983), le Danemark à la Suède sous la Baltique (8 km, 5 milliards d’euros, 4 ans de 1996 à 2000) , et d’autres encore qui lient deux parties d’un même pays ou deux pays de même culture.
Le Maroc a déjà montré son audace et sa capacité à s'engager dans de grands travaux (TGV, Gazoduc...), et l'Espagne également. La difficulté de la liaison fixe Maroc-Espagne est... donc davantage « civilisationnelle » que financière (30 km, 10 à 15 milliards d’euros, 10 ans environ), avec la connexion de deux cultures, deux continents, deux religions, deux civilisations.
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