Israël-Libye: de l’enfumage… - Par Mustapha SEHIMI
Pas très claire, cette histoire Israël-Libye avec le limogeage de la ministre des Affaires étrangère Najla Al-Mangoush pour avoir rencontré son homologue israélien, Elie Cohen, à Rome. Un dossier avec ses multiples facettes et bien des arrière-pensées... Des enjeux aussi, tels que le deuxième Forum du Néguev inscrit à l’agenda cet automne.
Dimanche 27 août, Abdelhamid Dbeibah, chef du gouvernement libyen basé à Tripoli -le seul cabinet reconnu par l′ONU- a suspendu la cheffe de la diplomatie, Najla Al-Mangoush, pour ce motif officiel: une entrevue avec son homologue israélien, Elie Cohen, dans la capitale italienne.
Cette annonce a été rendue publique, à Tripoli, depuis l’ambassade palestinienne. Il a déclaré à cette occasion qu’il voulait ainsi exprimer «le soutien libyen à la cause palestinienne» et que la position de Mme Al-Mangoush «ne représente pas le gouvernement de la Libye ni son peuple».
Dans la nuit, elle aurait été prestement «exfiltrée», pourrait-on dire, de Tripoli vers… Istanbul par un avion gouvernemental libyen. Comprenne qui pourra!
Cela dit, bien des interrogations restent on suspens. Le chef de l’exécutif de Tripoli pouvait-il ignorer l’entretien avec le ministre israélien? Mme Al-Mangoush n’est-elle pas de fait un «bouc émissaire»? C’est qu’en effet, le camp de l’Est du maréchal Haftar a eu des contacts directs avec des responsables israéliens ces dernières années -sans dénonciation ni sanction... Mais il y a plus en ce sens qu’il faut prendre en compte d’autres paramètres.
Des pourparlers sont en cours entre Dbeibah et Haftar, négociés à Abou Dhabi, pour mettre sur pied un gouvernement intérimaire à la place des élections parlementaires initialement prévues à la fin 2021 mais sans cesse reportées sine die. Des pressions américaines pousseraient dans ce sens pour garantir un accord entre les deux camps et faire adhérer alors aux «Accords d’Abraham» de normalisation entre Israël et les pays arabes.
Il n’est pas exclu non plus que le chef du cabinet de Tripoli ait opté pour une manœuvre: se maintenir au pouvoir, faire face à une pression qui monte à l’ONU et aux États-Unis en vue d’installer un gouvernement de technocrates avant les élections.
C’est le ministère israélien des Affaires étrangères qui a été, dimanche dernier, à l’origine de cette «fuite», sévèrement critiquée tant dans son pays qu’à Washington. M. Dbeibah a tenté de faire «un coup» en mettant fin aux fonctions de Mme Al-Mangoush. Mais il a mal apprécié le risque réel de voir la population libyenne se focaliser sur lui et non sur cette ministre. Des manifestations de protestation ont en effet éclaté à Tripoli et dans plusieurs villes.
Sa résidence officielle a été même attaquée. Des routes ont été coupées, des pneus brûlés et le drapeau palestinien brandi. Des parlementaires libyens, portant l′écharpe palestinienne autour du cou, ont tenu une «session urgente» et demandé au procureur général d’ouvrir une enquête, ce qui a été fait samedi 2 septembre.
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