Maroc/France : ce n’est pas (encore) une rupture, mais une fracture - Par Aziz BOUCETTA
Au Maroc, et ailleurs aussi, on apprend qu’une personne est nommée à une haute fonction publique, mais on annonce rarement son départ, qui intervient en règle générale par son remplacement par quelqu’un d’autre. Lorsqu’on communique sur une fin de fonction, cela reste une exception, et une exception est rarement fortuite. C’est ce qui vient de se produire avec l’annonce de la fin de mission de Mohamed Benchaâboun en qualité d’ambassadeur du Maroc en France.
Ce matin du 10 février, une information surgit dans les rédactions, venant d’on ne sait où, même si on s’en doute un peu. Le texte est aussi laconique qu’inhabituel, aussi sec qu’éloquent : « Suite aux instructions royales, il a été décidé de mettre fin à la mission de Mohamed Benchaâboun en tant qu’ambassadeur de Sa Majesté auprès de la République française, à compter du 19 janvier 2023. Ce communiqué sera publié au Bulletin Officiel ». Sur ce communiqué, les médias marocains sont inégalement divisés ; les uns, nombreux, estiment que ce texte est la subtile mais explicite manifestation d’une colère marocaine, royale, et un autre considère que cette interprétation est mauvaise et qu’il ne s’agit, selon des « sources », que d’une procédure normale.
La procédure est sans doute normale et ordinaire, pour mettre fin à la mission d’un ambassadeur, de surcroît désigné à une autre fonction ; mais bien d’autres choses ne sont pas « normales » :
1/ Un ambassadeur est nommé sur proposition du ministre des Affaires étrangères et du chef du gouvernement, mais la fin de mission de M. Benchaâboun est décidée sur seules « instructions royales » ; pour rappel, quand Mohamed Boussaid avait été limogé en 2018, le communiqué du cabinet royal précisait que cette décision avait été prise « après consultation du chef du gouvernement » ;
2/ Le timing. L’annonce est faite trois semaines après l’effectivité de la décision, mais deux jours après le rappel de l’ambassadeur algérien en France. Comment, et pourquoi, ne pas faire le lien, connaissant la « triangulaire » Rabat/Paris/Alger, ou « le ménage à trois » comme le dit si élégamment l’ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt ?
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