Le pote israélien de Rachid - Par Ahmed NAJI
Rasé de près, le visage rayonnant d’un large sourire, Rachid dépose la tasse de café sur la table et me sort un « belle journée, n’est-ce pas ? », qui met tout mes sens en alerte. Le serveur le plus narquois qu’il m’a été donné de connaître n’est jamais aussi mielleux que lorsqu’il a une idée saugrenue derrière la tête.
- Je vois que c’est la bonne humeur, vieux pirate. Que me vaut un tel épanchement de bonnes manières ?
- Pourquoi es-tu toujours aussi soupçonneux, le journaleux ? L’actualité a, pourtant, de quoi te rendre plus optimiste. Ne me dis surtout pas que tu n’es pas au courant de la reconnaissance par Israël de la marocanité du Sahara occidental.
Prochainement, le Sahara oriental, Inchâ Allah.
- Tiens, donc ! Ta réaction me surprend. J’aurai cru que tu allais me vomir toute une diatribe haineuse sur l’entité sioniste.
- Non, mais… Est-ce que tu me prends pour un gauchiste attardé ou un jihadiste assoiffé de sang ? Je suis un Marocain, moi, Monsieur. Quand quelqu’un m’offre son soutien, mon éducation m’a appris qu’on ne crache pas sur la main ainsi tendue.
Encore plus lorsque mon plus proche voisin, avec qui je partage autant les racines ethniques et culturelles que la foi religieuse, a passé un demi-siècle à me chercher querelles et à semer des clous sur mon chemin.
- Ne crains-tu pas qu’un tel soutien ne ternisse ton image ?
- Auprès de qui mon image serait-elle ternie ? De ceux qui n’ont pas émis le moindre son pour ramener mon hostile voisin à la raison ? De ceux qui attendent de moi que je m’occupe du sort de lointains cousins et me reprochent d’accorder la priorité à mes propres soucis ?
Quelle sottise que de s’imaginer que celui qui ne défend pas d’abord ses proches et ses biens pourrait défendre ceux des autres.
- Arrêtes ton char, Rachid, je ne te connais que trop bien. Dis-moi quelle étrange lubie trotte réellement dans ta tête.
Rachid me fait signe d’attendre, va rapidement prendre commande et servir un autre client, avant de revenir s’attabler à mes côtés, comme si c’était également un client. Je me demande toujours comment son employeur peut supporter ses frasques.
- En vérité, comme tu es journaliste, je voulais te demander s’il n’y a pas moyen de se renseigner auprès de la future ambassade d’Israël au sujet d’un vieux copain. Tu sais que je suis né à Casablanca. Mon père travaillait dans un magasin, à côté duquel se trouvait celui d’un juif marocain.
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