Saïd Chengriha à Paris, la dangereuse erreur d’appréciation d’Emmanuel Macron - Par Aziz BOUCETTA
Le chef d’état-major algérien Saïd Chengriha était, la semaine dernière, en visite à Paris. Cela devrait être anodin, une villégiature de galonné chez d’autres galonnés, mais non, car dans le cas franco-algérien, cette visite est importante, significative et porteuse de bien de périls, à plusieurs égards. Et elle concerne le Maroc et la zone Sahel à plus d’un titre également.
1/ Grande bascule géopolitique française dans la région. Elle est moins lourde que les changements intervenus en Afrique sur le plan global, avec la lourde présence de la Chine, l’arrivée bruyante des Américains, l’infiltration sournoise des Russes et la précipitation désordonnée des Israéliens, Turcs, Arabes du Golfe et autres, mais cette bascule française est importante car elle est l’ancienne puissance coloniale de la région Sahel et à ce titre, détentrice d’une influence économique et culturelle historique.
Pourquoi cette bascule est-elle intervenue ? En raison de la combinaison de l’intérêt ancien mais aujourd’hui actif des grandes et moyennes puissances mondiales pour le continent africain, de la mutation démographique africaine avec une prise de conscience des populations africaines quant à leur potentiel et celui de leurs pays, de la mauvaise lecture stratégique du président Macron et de sa personnalité empreinte de légèreté et de condescendance (à sa décharge, il est ainsi avec tous les dirigeants, excepté Joe Biden), autant d’éléments qui ont précipité le recul, puis le quasi départ français de la région.
Or, la France, plus que du gaz algérien, a vitalement besoin de l’uranium nigérien. Quitter le Burkina Faso, le Mali et d’autres pays est sans doute préjudiciable mais peut être compensé par Paris, mais pas l’uranium du Niger, qui procure 18% du nucléaire français et dont les mines d’uranium, au nord, sont géographiquement proches de l’Algérie.
La France a subitement compris l’intérêt géostratégique qu’aurait pour elle un rapprochement avec Alger, qui a aussi, et simultanément, besoin d’un allié puissant après son éloignement de la très toxique, singulièrement affaiblie et désormais peu fiable sphère russe. Une convergence d’intérêts à court terme qui, cependant, a peu de chances de durer sur les moyen et long termes, en raison de la précarité du pouvoir algérien actuel et des revendications croissantes et aujourd’hui étouffées de la population.
2/ Bascule militaire algérienne de la Russie vers la France. Depuis 1962, date de sa naissance, l’Algérie s’arme et s’approvisionne en pièces de rechange auprès de l’Union soviétique, puis de la Russie ; aujourd’hui, Alger a décidé de « travailler » avec la France. Mais on ne gomme pas plus 132 ans de présence française par un acte dit d’indépendance qu’on n’efface six décennies de partenariat militaire russe par une décision aussi rapide. On estime donc de 5 à 10 ans la période d’adaptation nécessaire pour faire passer l’armée algérienne d’un armement, d’une doctrine et d’une formation russes à un ancrage aux armées françaises, elles-mêmes n’étant fortes que par leur capacité nucléaire.
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