Mais où en est-on avec la France ? - Par Aziz BOUCETTA
Tout le monde en convient désormais, les relations entre le Maroc et la France sont froides, très froides… tendues, très tendues. Presqu’inexistantes officiellement et sévèrement abîmées sur le plan humain, côté marocain. Et c’est aussi inédit que durable, assez inédit pour que l’on s’interroge sur les causes profondes de cette tout aussi lente que brutale distanciation, puis sur les perspectives de la relation entre ces deux vieux pays de deux vieux continents.
Le jour où un jeune et novice ministre français était allé à la télé déclarer que la France allait « punir » le Maroc pour ne pas vouloir récupérer ses ressortissants expulsés de France en réduisant de moitié les visas accordés à sa population, la sérieuse brouille avait commencé. Mais cette décision diplomatique d’origine policière n’était que l’aboutissement d’une longue période de destruction de la vieille « amitié » liant les deux pays.
En effet, le feu couvait depuis longtemps déjà… Au moins depuis ce jour de 2014, quand une escouade de policiers (encore la police) s’était présentée à la Résidence de l’ambassadeur du Maroc à Neuilly pour interpeller le chef du contre-espionnage marocain Abdellatif Hammouchi, lequel se trouvait en France au titre de la … coopération policière. Inamical et agressif. Premier coup de froid, qui ne s’est jamais vraiment réchauffé depuis, la géopolitique aidant d’un côté, l’attitude d’un Emmanuel Macron empreinte de désinvolture et d’une singulière mauvaise lecture stratégique faisant le reste.
Puis il y eut les discours d’Abidjan et de Ryad, dans lesquels le roi Mohammed VI traçait la nouvelle doctrine géopolitique du royaume, résolument africaine, voire panafricaine et même plus, et dans lesquels la France a vu une de remise en cause d’un passé pour elle confortable et d’une assise bien installée dans le royaume ; rassurée par son soutien au Conseil de sécurité de l’ONU pour la question du Sahara, la France Paris gérait – et monnayait – soigneusement ses liens et intérêts avec le royaume, avec des sourires et une bienveillance de façade.
La signature en 2020 de l’Accord tripartite Etats-Unis-Maroc-Israël (aujourd’hui un peu malmené) et la reconnaissance de la marocanité des provinces sahariennes par Washington a planté le dernier clou dans ce qui est devenu le cercueil des relations « historiques » France-Maroc. La légèreté, la désinvolture et la myopie géopolitique de M. Macron, aggravée par l’indifférence de la classe politique française, ont mis le cercueil en terre.
Définitivement ? Peut-être pas. Mais peut-être que oui. Aujourd’hui, rien ne se passe entre les deux pays. Rabat n’a (durablement ?) pas d’ambassadeur à Paris et celui de Paris à Rabat est marginalisé, ostracisé, « boudé » par les officiels marocains, gouvernement et haute fonction publique réunis.
Alors, l’avenir ? Il est rudement compromis car la calamiteuse politique des visas aura brillamment raté son objectif. Suscitant l’indifférence apparente du Maroc officiel, elle a engendré un profond, légitime et durable sentiment de défiance de la population marocaine à l’égard de la France. Les étudiants préfèrent aller ailleurs (et même s’ils ne le font pas...
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