Lahcen Haddad répond à Bernabé Lopèz García : le débat continue banderas-españa-marruecos - Par Lahcen HADDAD
Cher Professeur Bernabé Lopèz García
Je vous remercie pour votre réponse (publiée dans Atalayar, le 28 mars 2023) à mon article publié aussi sur les pages de Atalayar, le 25 mars 2023, et qui est en soi une réaction à votre interview publiée dans El Independiente du 14 mars 2023. Je dois dire que vous avez le mérite de répondre et d'engager un débat serein, alors que d'autres, en Espagne et en France, journalistes et députés, écrivent sur le Maroc, mais refusent de débattre avec nous les marocains. Ils nous reprochent de ne pas être assez démocratiques, mais ne réagissent pas à nos réponses lorsque nous critiquons leurs positions.
Je me demande si certains de ceux qui nous critiquent en Europe nous considèrent juste dignes de leurs critiques, mais pas de leur débat : une attitude néocoloniale (orientaliste ?) intéressante qui mériterait d'être étudiée à l'avenir. Je salue donc votre volonté de débattre et d’entamer un échange sain d'idées et de positions.
Revenons au fond du problème. Pour vous, l'élite marocaine n'a pas su saisir l'opportunité de la réforme constitutionnelle de 2011 pour faire évoluer le pays vers une véritable monarchie constitutionnelle.
Personnellement, je pense que la Constitution elle-même est assez avancée, dans la lettre et l'esprit, car elle contient des dispositions intéressantes en ce qui concerne: la dévolution de plus de pouvoirs au Parlement et au Premier ministre ; la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ; la reconnaissance de la nature universelle des droits de l'homme ; la primauté de la voix du peuple à travers le suffrage universel ; et la pluralité des affluents de l'identité marocaine (africaine, andalouse, arabe, islamique et judaïque).
Mais une constitution ne peut fonctionner que si sa mise en œuvre (c'est-à-dire l'interprétation de l'esprit et de la lettre du texte) est tout aussi avancée. À ce niveau, il y a eu des échecs et des réussites. Et l'arrivée au pouvoir d'islamistes modérés a compliqué les choses pour de nombreux membres de l'élite qui ont fini par préférer une interprétation conservatrice de la constitution à une interprétation progressiste.
Les revers dont vous avez parlés doivent être considérés dans cette optique, mais pas en tant qu’un échec de l'élite ; l'élite elle-même a été divisée entre les interprétations avant-gardistes et conservatrices de la constitution de 2011.
Mais malgré les faiblesses, les gains sont notables : un gouvernement plus fort, un parlement plus libre, un état de droit (plus ou moins fonctionnel), une presse plus libre (malgré les problèmes dont vous avez parlés), une société civile mobilisée et une sphère publique assez dynamique.
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