La sainte et feinte colère d’Abdelilah Benkirane - Par Aziz BOUCETTA
Quand l’ancien chef du gouvernement et actuel chef du PJD s’indigne, il le dit, et quand il s’irrite pour une sainte raison, il en fait même une vidéo de 40 minutes de monologue, sans doute intéressant mais monologue quand même. Le sujet de son ire ? La question de l’égalité hommes-femmes en héritage. Une idée explosive selon Ssi Benkirane, qui y voit une menace d’implosion de la société marocaine. Alors sa colère est sainte mais également feinte car le calcul politique est toujours là…
Quarante minutes donc à décortiquer, expliquer, soliloquer sur la problématique de l’égalité des hommes et des femmes en matière d’héritage. Une hérésie, selon l’ancien chef du gouvernement, au motif que le mode successoral en terre d’islam fait l’objet de versets explicites et univoques du Coran. Sans doute, mais ce n’est pas à lui de le dire ; Ssi Benkirane est un homme politique, pas un théologien. En revanche, il est dans son droit et dans son rôle de mettre en garde contre les risques de déstabilisation sociale du pays. Les concernés en prendront note.
Fort bien, alors M. Benkirane a exprimé son avis, très honorable au demeurant. Il devrait donc accepter que d’autres donnent le leur, sans pour autant qu’ils fassent l’objet de sa vindicte ou de l’opprobre de la société. Plus, le chef du PJD, en homme politique qui a des droits et des devoirs aussi doit non seulement accepter les avis contraires, mais aussi les solliciter et les défendre au regard d’une société facilement irritable sur ces questions. Cela s’appelle un débat sociétal, contradictoire, et c’est ainsi qu’une société avance.
Que les opposants à l’égalité en héritage parlent, et déroulent leurs arguments. Puis qu’ils écoutent les autres, qui exposeront leurs thèses. Mais les deux camps, convaincus et œuvrant à convaincre, sont tenus d’accepter les règles du jeu démocratique : essayer de persuader et d’imposer leur point de vue, mais admettre aussi la possibilité que les arguments de leurs opposants puissent être rationnels ou même meilleurs, et donc dans ce cas envisager de s’incliner. Et dans tous les cas, surtout celui, ô combien prévisible, où les deux camps entretiennent un dialogue de sourds, ils pourraient parvenir à une solution intermédiaire, celle par exemple du testament, s’il n’est pas expressément et univoquement interdit par le texte sacré.
De ce fait, ce type de discussion devrait voir le jour dans ce pays, entre sachants des deux bords, sur cette question de testament. Les textes coraniques sont tantôt univoques tantôt équivoques, et la distinction ne fait pas unanimité sur les sens, tant pour des questions sémantiques que philosophiques... et même parfois de ponctuation ou de structuration. En revenir à la philosophie d’Ibn Rochd serait une méthode pour avancer, dans l’interprétation par la démonstration, en se fondant sur les différents écrits et instruments apportés par la très riche philosophie islamique.
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