Diaspora, dites-vous ? Non, Marocains du monde, négligés sauf pour l’argent - Par Aziz BOUCETTA
Les Marocains forment un peuple situé au croisement de plusieurs ensembles géographiques et culturels, et présentant de ce fait une ouverture sur le monde qu’on trouve rarement sur la planète. Les Marocains du monde (MdM) sont aujourd’hui plus de 5 millions, soit 15% de la population du pays et l’une des plus fortes migrations dans le monde, comparativement à la population nationale. Qu’en fait-on ? Pas grand-chose.
D’abord, une précision. L’usage même du terme « diaspora » pour qualifier l’émigration marocaine questionne. Elle n’est pas d’origine traumatique (conflits, catastrophes naturelles, persécutions…), pas plus qu’elle n’entretient l’idée générale d’un mouvement de retour ou qu’elle anime une transversalité entre les communautés marocaines dans les pays d’accueil ; en revanche, l’existence d’une mémoire collective et la persistance d’un « mythe » de la patrie d’origine sont avérées et puissantes.
L’émigration marocaine ne peut donc être qualifiée de diaspora dans l’acceptation académique du terme mais elle constitue une réalité humaine très particulière, qui devrait être mieux étudiée, plus approfondie, au-delà des initiatives opportunistes à défaut d’être opportunes de certains acteurs de la société civile ou de la classe politique.
Ensuite, des chiffres qui devraient donner à réfléchir : la moyenne de l’émigration marocaine au cours des années allant de 1990 à 2020 serait de l’ordre de 50.000 personnes par an (ONU), et 78% des Marocains installés actuellement à l’étranger ont quitté le Maroc durant la période 2000-2018 et 24% d’entre eux depuis l’année 2015 (HCP, 2020) ! Une hémorragie de matière grise et de talents et, chez de nombreux MdM, un concentré d’amertume d’avoir dû s’en aller et de résignation pour l’avoir fait.
5 millions de personnes, ce sont des cadres, des professions libérales, des commerçants, des enseignants, des travailleurs, des chercheurs, des artisans... le cœur et le noyau de la richesse immatérielle et même matérielle de ce pays. Et pourtant, selon le classement effectué par l’Office international des migrations (OIM) sur l’ordre d’importance accordé aux migrants à travers les institutions qui leur sont consacrées, le Maroc a régressé : alors qu’ils avaient un ministère dédié, puis un ministère délégué, d’abord auprès du chef du gouvernement, ensuite du ministre des Affaires étrangères, avec le gouvernement actuel les MdM sont simplement rattachés à ce même ministère qui, lui, a d’autres préoccupations et priorités.
Le gouvernement Akhannouch abrite un ministère pour le tourisme, pour l’artisanat, pour les transporteurs, pour l’enseignement supérieur… mais pas pour 5 millions de nos ressortissants, 15% de la population totale, beaucoup de matière grise et près de 7% du PIB brut ! Insondable gouvernement.
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