Jacquerie à Skhirate… - Par Rachid BOUFOUS
Ce qui vient de se passer dans la commune à Skhirate ces derniers jours n’est plus ni moins qu’une jacquerie urbaine moderne. Des milliers de gens se sont révoltés contre l’autorité venue détruire un bidonville. Celui-ci est le reliquat d’une opération de recasement de Douar Jdid qui devait être éradiqué il y’a 18 ans déjà. Mais rien n’a été fait et 4 gouverneurs plus tard, le problème est toujours là.
Aujourd’hui la province de Temara ne possède toujours pas de gouverneur, depuis que le dernier en date, a été mis à pied à cause d’une sombre affaire de démolition d’un groupe d’habitation construit sans autorisation, survenue il y’a quelques mois. Depuis, cette province est administrée directement par le Wali de région.
L’éradication du bidonville de Douar Jdid était programmée dès 2005. J’ai assisté à l’élaboration de ce projet, au siège de la province de Temara à l’époque et je connais parfaitement le sujet.
Comme à chaque fois que les résolutions sont prises et les engagements signés devant l’autorité, les opérateurs qu’ils soient publics ou privés, prennent leur temps et même souvent oublient d’honorer leurs engagements, laissant le bidonville grossir, souvent à cause de migrations exogènes de nouveaux bidonvillois, venus de nulle part et moyennant des arrangements douteux, deviennent de nouveau « ayants droits » auxquels il faut bien donner un lot, le jour où l’opération de recasement est enfin enclenchée.
Sauf que quand de nouvelles autorités viennent à traiter ledit dossier, elles se réfèrent aux premières listes établies 18 ans plutôt, dans lesquelles ne se trouvaient pas inscrits les «nouveaux bidonvillois ».
Et vu que les terrains qui doivent accueillir les bidonvillois ne sont pas extensibles, les familles qui ont acheté un « droit de bidonvilisation » à l’époque ou qui ont simplement grossi car leurs enfants devenus adultes et mêmes mariés et de ce fait devenus eux aussi éligibles au même titre que leurs parents inscrits, se trouvent prises au piège et doivent partir du site d’origine, quand l’opération de recasement s’enclenche, car les autorités ne les reconnaissent pas comme des ayants droits inscrits dans les listes officielles de recasement à l’origine.
Mais comme vous pouvez l’imaginer, ces familles bidonvilloises non éligibles ou contestant les listes établies a l’époque, refusent de partir ou de voir leur baraques, illégales, démolies par les autorités, car elles estiment à tort ou à raison avoir le droit de bénéficier des lots au même titre que les familles d’origine.
D’où des escarmouches avec les forces de l’ordre qui finissent en jacquerie populaire contre l’autorité.
Vous imaginez bien qu’à l’heure où ces révoltes s’opèrent, chaque intervenant rejette la responsabilité sur l’autre. Et les seules victimes, sont les éléments des forces de l’ordre, qui se font caillasser lourdement par une population qui veut arracher un droit indu, quitte à utiliser la force.
Pour avoir supervisé plusieurs opérations de recasement dans la province de Skhirate-Temara durant de longues années, j’ai pu constater que les mêmes phénomènes se produisent à chaque fois.
Ceci est dû au fait que l’Etat ne veut pas prendre ce problème des bidonvilles à bras le corps de manière sérieuse et définitive.
Depuis très longtemps, je milite pour l’instauration d’un registre national des bidonvillois (RNB), où les personnes de ces douars précaires seraient recensés tous les dix ans à l’occasion du RGPH (le recensement général de la population et de l’habitat). Ainsi on sait avec précision qui est éligible à une opération de recasement ou de relogement et qui ne l’est pas.