Les sociétés civiles au Maghreb - Par Mustapha SEHIMI
Voici un livre à lire! On le doit à trois auteurs, avec comme titre «La face cachée des sociétés civiles au Maroc». Préfacé par Tahar Benjelloun et l’historien Benjamin Stora, il éclaire sur un monde invisible, effervescent aussi: celui de l’associatif dans la région.
Ce n’est pas là un travail académique -au sens premier du terme-, mais autre chose. Une enquête de terrain de deux ans menée par une petite équipe qui a porté ce projet.
Regarder ailleurs que dans le champ institutionnel, plus précisément au-delà de l’État: telle est l’hypothèse de travail qui articule et accompagne cette approche. Celle-ci présente des traits communs: la distanciation, sinon la défiance, à l’endroit de l’État, des potentiels énormes et étonnants, et puis un fort réveil avec la pandémie Covid-19 des précédentes années.
Mais la séquence la plus significative, parce que liée au printemps arabe, est celle de 2011, qui a bousculé les régimes et même mis à bas, pour se limiter à la région, celui du président tunisien Benali.
Faire bouger les lignes
Du recul était nécessaire pour appréhender tous ces événements. Il y a eu sans doute bien des «lectures» sur ce tsunami d’il y a une bonne dizaine d’années -un «trop-plein» même. Mais il a manqué une explication allant au-delà du factuel pour tenter de comprendre l’évolution enregistrée dans chacun des pays: quelle était la volonté des citoyens? Le changement?
La rupture avec un projet alternatif? L’investigation menée dans cet ouvrage s’est élargie à un autre périmètre: les dynamiques dans de multiples domaines (éducation, emploi, environnement, protection sociale), et un éclairage «autre» sur les convulsions provoquées.
À cet égard, les auteurs parlent de «face cachée» des bouleversements intervenus. Référence est faite à des dynamiques, «invisibles» pour certaines d’entre elles, différentes des registres de la dimension politique et de la citoyenneté.
La société civile a-t-elle eu la capacité de faire bouger les lignes sur d’autres questions de fond telles les problématiques sociales et environnementales? À l’échelle des trois pays, bien des différences subsistent par suite de parcours historiques distincts.
Mais les sociétés civiles ont fait montre de capacité d’initiative et d’autonomie dans des contextes de mise en tension de l’histoire et du présent, et de rapports rugueux avec l’État aussi.
La société civile, au vrai, c’est quoi? Un rapport décalé et critique vis-à-vis des formes de gouvernance des sociétés, des croyances et des valeurs liées à la solidarité, à l’égalité et à l’élan démocratique.
Faut-il aller jusqu’à la rehausser et à la consacrer comme un contre-pouvoir en ce qu’elle est sans cesse réactivée par les insuffisances de certaines politiques publiques, et plus globalement de celles de la transition démocratique.
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