État de la nation et l’avenir du gouvernement
Le lundi 13 décembre, le président Félix Tshisekedi a prononcé son discours annuel sur l'état de la nation. C'est la première fois que ce discours a lieu depuis que sa nouvelle famille politique, l’Union sacrée pour la nation (USN) a obtenu une majorité au parlement. Et l’un des aspects les plus frappants a été le ton quelque peu critique employé par le président pour parler de son gouvernement–le premier gouvernement entièrement acquis à cette nouvelle famille politique.
Bonjour !
Je m’appelle Joshua Walker. Je suis le directeur de programme du Groupe d'étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l'Université de New-York. Bienvenue à ce 44e numéro de Po na GEC, le dernier de l'an 2021.
Dans les 23 pages du discours prononcé par le chef de l’État, quelques lignes méritent une attention particulière. Il y qualifie les mesures prises par le gouvernement en faveur de la population (eau, électricité, soins de santé et transport) comme étant « insuffisantes ». Ce sont des initiatives qui, pour reprendre encore ses mots, « souffrent d’un manque de coordination et d’une faiblesse de pilotage. [...] Ces dysfonctionnements sont inacceptables ». Et il continue : « J’interpelle ainsi tous les intervenants pour régler sans délai les problèmes et de livrer ces ouvrages pour améliorer les conditions de vie de la population ».
Le chef de l’État semble avoir marqué publiquement, à travers un discours si important, sa déception envers la performance de l'exécutif. Pour quelles raisons ? Et quelles pourraient en être les conséquences ?
Une explication serait la tentative du président Félix Tshisekedi de solliciter la faveur de la population–il se positionne comme un président qui s’exprime au nom de la population, comme pour exhorter ses troupes du gouvernement à mieux faire avant les prochaines échéances électorales en 2023. Mais ce faisant, il semble tenter de se dissocier personnellement du bilan de son propre gouvernement. Serait-ce donc une manière de se dédouaner d’un échec partiel dont il pourrait être accusé d’être en partie responsable ? Avec les élections en vue, cette hypothèse n’est pas à exclure. Le président pourrait avoir, tout de même, des difficultés à convaincre l’opinion : il est, par exemple, resté silencieux sur la question de la perception de la très impopulaire taxe RAM, malgré les dénonciations des deux chambres du parlement sur cette question lors de l’examen de la loi des finances 2022.
Certes, sur le plan juridique le président n’est pas politiquement responsable devant le congrès : c’est plutôt le gouvernement–le premier ministre, les vice-premiers ministres, ministres d'État et ministres sectoriels–qui est directement responsable devant les parlementaires, plus particulièrement les députés nationaux. Mais aux yeux de la population, est-ce le gouvernement qui porte à lui seul la responsabilité politique de l'amélioration des conditions sociales des Congolais ? Tel ne semble pas être le cas dans la mesure où le Conseil des ministres, organe de décision du gouvernement, est convoqué et présidé par le président et seulement par le Premier ministre en cas de sa délégation.
D’aucuns soufflent que les mots du président présagent notamment un remaniement proche du gouvernement. Ceci permettrait, en théorie, au président de faire deux choses. Il pourrait faire partir certains membres du gouvernement pas assez performants pour les remplacer et ainsi tenter d’améliorer le bilan social avant 2023, tout en permettant à d'autres de sa coalition d'accéder au pouvoir ministériel. Mais la question brûlante serait de savoir qui il pourrait nommer comme prochain premier ministre. Serait-ce une occasion pour le président de permettre à son ancien directeur de cabinet, Vital Kamerhe, d'accéder à la primature comme le prévoyait leur accord pré-électoral de Nairobi et à travers cette nomination, tenter d'amadouer l'électorat de l’est du pays ? Ce dernier ne serait pas la première personne à devenir Premier ministre tout en étant en liberté provisoire, à l’instar de Bruno Tshibala en 2017.
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