Israël: la réforme de la justice, une dérive autoritaire - Mustapha SEHIMI
C’est le 17ème gouvernement israélien, le 6ème dirigé par Benjamin Netanyahu, investi le 29 décembre dernier. Ce cabinet est le plus à droite de l’histoire de ce pays. Il est formé du parti du Likud, dirigé par le chef de l’exécutif, et d’autres ultra-orthodoxes et d’extrême droite. Dès le départ, il a envisagé une profonde réforme de la justice, notamment sous l’influence du Parti sioniste religieux, une formation d’extrême droite.
Le 4 janvier 2021, le détail d’une réforme a été rendu public par le ministre de la Justice, Yariv Levin. Ce projet a suscité de nombreuses et vives oppositions au sein de la magistrature, de la classe politique et du monde universitaire et intellectuel, tant en Israël qu’à l’étranger.
La présidente de la Cour suprême, Esther Hayut, a dénoncé ainsi une «attaque débridée contre le système judiciaire comme si la Cour était un ennemi qui doit être attaqué et soumis». Et d’ajouter qu’il s’agit d’«un coup fatal à l’identité démocratique d’Israël».
Depuis plus de quatre mois, toutes les semaines – la dix-huitième se tient ces jours-ci – des centaines de milliers de personnes manifestent à Tel-Aviv contre cette réforme. Malgré l’annonce du Premier ministre d’une «pause» du travail législatif durant six mois, le 27 mars, rien n’y fait: l’ampleur des manifestations persiste.
Que prévoit donc cette réforme tellement controversée qui a fracturé profondément Ia société israélienne? Le chef de l’Etat, Isaac Herzog, a proposé le 15 mars, ce qu’il a appelé «un compromis du peuple» sur des questions de procédure (durcissement des conditions d’invalidation d’une loi contre toute annulation, une majorité simple des 15 membres de la Cour suprême, quatre lectures de toute nouvelle loi fondamentale avec une majorité qualifiée de 80 membres sur les 120 de la Knesset). Ces propositions n’ont pas été retenues par le cabinet.
Cela dit, le texte gouvernemental vise à politiser la sélection des juges. Comment? Par une modification de la composition et des pouvoirs de la commission en charge des nominations judiciaires. Cette dernière est aujourd’hui composée de 9 membres: 3 juges de la Cour suprême, dont son président, 2 membres de la Knesset, 2 membres du gouvernement, dont le ministre de la Justice, et 2 autres membres du barreau israélien.
Cette commission a un pouvoir entièrement discrétionnaire de nomination et de révocation des juges -les décisions doivent être prises par une majorité d’au moins 7 des 9 membres. Le projet du gouvernement, lui, veut porter le nombre de membres à 3 ministres, dont celui de la Justice, en réduisant d’autant les professionnels du droit. Il propose également 3 parlementaires: 3 membres de la Cour suprême, dont son président, et 2 représentants des citoyens, dont l’un devra être un juriste désigné par le ministre de la Justice.
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