Que fait l'Amérique avec l'argent de l'Iraq ? - Par Gabriel BANON
Malgré l’opposition de la France et l’absence d’un accord de l’ONU, les États-Unis ont envahi illégalement l’Irak en mars 2003. Laissant s’installer le chaos, après leur retrait il y a vingt ans, ils continuent de contrôler l’argent issu des richesses pétrolières du pays et l’utilisent comme moyen de chantage. Comme pour beaucoup de situations étranges alimentées par Washington, personne n’en parle. Est-ce que les grands donneurs de leçon ne seraient que des vulgaires profiteurs de guerre doublés d’escrocs hypocrites ?
En fait, l’argent de l’Irak est toujours sous contrôle américain.
Depuis début décembre 2022, les commerçants de Bagdad s’inquiètent de la brusque envolée du billet vert. Il faut de plus en plus de dinars irakiens (DI) à l’achat d’un dollar : de 1 470 jusqu’à 1 750 DI au marché noir à la mi-décembre. Une hausse de 45 % du taux de change n’a rien d’anodin dans un pays qui, après des années de sanctions occidentales et de guerre civile, ne produit guère que du pétrole et importe à peu près toute sa consommation intérieure.
L’opinion, habituée à une stabilité notable du change dollar/DI toutes ces dernières années, ne comprend pas. Le baril de pétrole se vend à des cours très élevés, entre 80 et 90 dollars (entre 75,58 et 85 euros), la production a repris, elle voisine aujourd’hui les 4,5 millions de barils par jour et, à en croire le précédent premier ministre, les réserves publiques de devises frôlent les 100 milliards de dollars (95 milliards d’euros).
Alors, comment expliquer cette pénurie du billet vert ?
Attention, la rue se mobilise, les premiers manifestants apparaissent et brandissent des pancartes sur lesquelles on peut lire : « Hausse du dollar = mort des pauvres et des enfants » ou « Où sont les parlementaires amis du peuple ? »
Devant cette Brancas, le nouveau premier ministre, en place depuis fin octobre 2022, Mohamed Shia Al-Sudani, qui appartient au parti chiite Daawa au pouvoir depuis 2005, botte en touche et annonce un changement de gouverneur de la Central Bank of Iraq (CBI), aussitôt remplacé par un de ses amis politiques, s’y ajoutent des subventions pour les produits de base, et la répression contre les changeurs du marché parallèle.
La situation ne s’améliore pas. Alors la colère populaire se tourne contre les autorités locales, accusées de tous les maux.
Personne, ou presque, ne rappelle que depuis le 22 mai 2003, les recettes en devises des compagnies pétrolières ne vont plus au Trésor public irakien, mais sur un compte ouvert au nom de la CBI à la filiale new-yorkaise du Federal Reserve System, la banque centrale américaine.
Le dispositif a été mis en place au lendemain de l’occupation du pays, sous le « gouverneur » de l’époque, Paul Bremer, par un executive order, un décret présidentiel signé par le président Georges W. Bush. Il rappelle la zone franc, le franc CFA, et les devises d’une dizaine de pays africains gérés depuis Paris, une vieille histoire qui ne justifie en rien le holdup américain
Motif invoqué alors devant les médias : la question non résolue à l’époque des réparations dues au Koweït envahi le 2 août 1990 par les divisions blindées de Saddam Hussein. La famille régnante Al-Sabah réclamait plus de 350 milliards de dollars (330,68 milliards d’euros), l’accord s’est fait finalement en 2010 sur 52 milliards (49 milliards d’euros) dont le versement s’est achevé en février 2022.
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