Le Maroc a désormais besoin d’une réelle politique sur la migration africaine - Par Aziz BOUCETTA
Les récents propos du président tunisien Kais Saïed relancent d’une manière inédite la question de la migration de l’Afrique vers l’Europe. A en croire le chef de l’Etat tunisien, un complot serait ourdi contre son pays pour « changer la composition de son paysage démographique », au moyen de l’arrivée de « hordes de migrants ». Une forme de racisme d’Etat en Tunisie, qui rejoint l’aussi brutale que discrète politique algérienne de refoulement des migrants et qui s’ajoute aux protestations de plus en plus audibles au sein de la société marocaine. Un tournant dans la migration à destination de l’Europe ? Une nouvelle méthode visant à « effrayer » les candidats africains à la migration ?
A entendre les dirigeants de l’Union européenne s’exprimer, et en dehors de l’Ukraine, le problème principal du Vieux Continent serait la « migration massive » des Africains sur le sol européen. Le discours politique, les images des migrants naufragés, les débats dans les médias, les excès langagiers comme « l’africanisation de l’Europe »… tout est fait pour donner le sentiment d’une « invasion » et renforcer celui d’un cataclysmique « grand remplacement ». Et cela se confirme dans les avancées significatives des mouvements d’extrême-droite dans les différentes élections des différents pays de l’Union. Et pourtant…
Or, les chiffres démentent tout cela : moins de 10 millions d’Africains vivent dans les 27 pays de l’UE, dont la moitié de Maghrébins, essentiellement en France, en Espagne et en Italie. Mais cela n’empêche pas une radicalisation des discours et un durcissement des politiques. Mais aujourd’hui, le problème s’est déplacé vers les pays du Maghreb, comme si cela était l’objectif non avoué de Bruxelles : « sous-traiter » par tous les moyens, la question migratoire aux trois pays d’Afrique du Nord, et « par tous les moyens » signifie que chacun de ces trois Etats déploie une politique particulière.
En Algérie, le racisme d’Etat est grandement établi dans les pratiques, à défaut d’être déclaré publiquement par les responsables, quoique… L’Algérie est le seul pays maghrébin ayant une frontière directe 2.200 kilomètres avec deux Etats du Sahel, le Niger et le Mali ; elle devrait donc logiquement recevoir plus de migrants, mais les étendues désertiques à traverser et la brutalité des forces de l’ordre algérienne sont dissuasives.
Tunisie et Maroc n’ont pas de frontières terrestres avec les pays du Sahel mais développent chacun une politique particulière. Ainsi, la Tunisie demeure facilement accessible à travers le territoire libyen où l’anarchie règne depuis la chute de Kaddhafi en 2011. Cela peut expliquer le propos éminemment raciste du président Saïed, par ailleurs aussi injustifiable qu’inadmissible.
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