Rachid veut devenir magistrat à la Cour des comptes - Par Ahmed NAJI
- Je viens de découvrir ma véritable vocation, le scribouillard. Je vais devenir magistrat à la Cour des comptes !
Une entrée en matière aussi abrupte, sans salutations préalables, ni introduction, est tout à fait dans le style de Rachid, un serveur de café dont je ne souhaite à personne de supporter les bavardages, agrémentés de pics ironiques à la limite de l’impertinence. Mais il s’est vite fait excuser, en me déposant une tasse de café bien corsé avant même que je n’en passe commande. Un jour, je vais lui demander plutôt du thé, juste pour le plaisir de le voir embêté.
- Tu as dû trop forcer sur la bouteille, hier soir, vieux pirate. Tu t’es imaginé en magistrat à la Cour des comptes alors que tu n’as même pas achevé tes études secondaires. Le gros rouge est peut-être bon marché, mais il va t’esquinter les méninges.
- Tu me sous-estimes toujours, le scribouillard, pourtant j’ai toutes les qualités requises pour devenir magistrat à la Cour des comptes.
- Ah bon ! Et quelles sont-elles ?
- Ne dire que des choses positives, même si ce que je vois de mes yeux est désespérant, voir franchement révoltant. C’est un responsable politique de très haut niveau qui l’a dit, un élu du peuple qui plus est.
Ces pauvres magistrats de la Cour des comptes s’imaginaient que ce sont leurs longues années d’études juridiques et financières, leur rigueur, leur objectivité et leur impartialité qui constituent les critères de l’exercice de leurs fonctions.
Personnellement, je n’ai pas eu besoin de consentir autant d’efforts pour apprendre à dire « goulou lâam zine » (dîtes que l’année est bonne). Je passe mon temps à dire à mes clients que tout va bien dans le meilleur des mondes.
Sinon, il y a des petits malins qui vont profiter du discours contraire pour ne pas me laisser de pourboires, ou juste une misère, comme quoi je reconnais moi-même que les choses ne vont pas bien.
Je vois enfin où ce corniaud mal rasé veut en venir. Il veut m’entraîner sur un terrain glissant qui a suscité bien des déboires à des confrères journalistes. Le moins que je risque est de me faire accuser de manquement à la déontologie journalistique par des gens qui ne la connaissent même pas. Je préfère, donc, botter en touche.
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