Le modèle agro-exportateur et la souveraineté alimentaire - Par Abdeslam SEDDIKI
Au cours des derniers jours, suite au renchérissement sans précédent des denrées alimentaires de base, qui sont devenues hors de portée de la majorité des familles, on a assisté à une vague de protestations populaires et spontanées à travers différentes régions du pays. Pour apaiser la situation et éteindre l’étincelle, le gouvernement est enfin sorti de son mutisme pour s’expliquer et prendre des mesures urgentes dans l’espoir de voir les conditions du marché revenir à la normale.
Effectivement, les prix affichés sur les différentes places enregistrent une tendance légère à la baisse mais pour combien de temps encore, dans la mesure où le gouvernement ne s’est pas attaqué aux facteurs ayant conduit à l’envolée des prix et tout particulièrement aux facteurs endogènes et systémiques.
Après chaque crise, on nous promet des changements de paradigme et d’orientation et que la situation ne sera plus comme avant. Ainsi, lors de la crise covid, la question de l’indépendance économique revenait comme un leitmotiv. Il était question de souveraineté alimentaire, de souveraineté énergétique, de souveraineté sanitaire…
Intéressons-nous à la question de souveraineté alimentaire et posons-nous la question suivante : est-elle compatible avec les orientations du plan Maroc Vert et du plan «Génération Green » qui lui a succédé ? Nous répondons d’emblée par la négative et nous en expliquons les raisons. D’ailleurs, ce plan Maroc Vert est décrié de toutes parts. Même ceux qui étaient auparavant réticents se sont rendus à l’évidence que ce plan a été à l’origine du déséquilibre que connait le marché des produits agricoles, ne serait-ce qu’en privilégiant l’export sur l’approvisionnement du marché local.
Ce qui est demandé aujourd’hui, c’est de revoir notre modèle de développement d’une façon générale et le modèle agro-exportateur à l’œuvre depuis les années quatre-vingts du siècle dernier. Ce modèle s’inscrit dans la logique du libre-échange et de loi ricardienne des avantages comparatifs. Selon cette théorie, largement critiquée par ailleurs, un pays aurait intérêt à produire des biens dans lesquels il dispose d’un avantage et les échanger contre des biens dans lesquels il est relativement désavantagé. On ne se pose nullement la question de l’indépendance économique et de la nécessité d’assurer la souveraineté alimentaire ou autres.
Bien sûr, ce choix n’est pas né ex-nihilo. Il est le produit d’une histoire mouvementée du Maroc post-colonial qui a commencé dès le début des années soixante avec la récupération des terres de la colonisation qui ont été spoliées aux paysans marocains. Contre toute attente, ces terres récupérées (autour d’un million d’hectares), situées dans les plaines fertiles du pays et dont une partie irriguée, n’ont pas été remises intégralement à leurs anciens propriétaires/exploitants dans le cadre d’une réforme agraire, mais elles ont été mises sous la tutelle de l’Etat et exploitées par deux entreprises publiques, SODEA et SOGETA. Une partie non négligeable est passée, par des moyens discutables, entre les mains des gros propriétaires marocains.
Par la suite, l’Etat s’est débarrassé de ce capital foncier public au profit des personnes influentes politiquement et socialement, à travers un système de location de longue durée moyennant des montants symboliques.
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