A quoi servent les sondages et enquêtes d’opinion au Maroc ? - Par Aziz BOUCETTA
Au Maroc, il est semble-t-il prohibé de mener des enquêtes d’opinion. Ce n’est certes pas franchement interdit, sauf en période préélectorale, mais la chose n’est pas pour autant légale et réglementée. Or, la société, c’est comme la nature, elle a horreur du vide, et donc elle le remplit. Une foultitude d’enquêtes d’opinion, de sondages, d’études et autres sont menés, en local ou de l’étranger et, à partir de là, on peut se forger une opinion sur ce que pensent les Marocaines et les Marocains. Mais qui s’en préoccupe parmi nos gouvernants ? ou, autrement dit, lesdits gouvernants se soucient-ils vraiment de ce que pensent les Marocains ?
A tout seigneur tout honneur, dit-on… le Haut-commissariat au Plan publie régulièrement des enquêtes sur un ensemble de sujets. La plus marquante parmi les dernières de ces enquêtes est celle qui porte sur l’indice de confiance des ménages. Cet indice s’est effondré de 61% à 46,6% sur l’année 2022, il est la moitié de ce qu’il fut en 2018 et il est le plus bas depuis la création de l’indicateur, jadis, en 2008. Aucun commentaire connu ou intelligible du gouvernement.
Sur le plan de l’information, l’Arab Barometer a publié une enquête en début d’année, et les résultats nous apprennent que 76% des Marocains donnent crédit aux influenceurs et qu’un Marocain sur cinq suit ces influenceurs en permanence et donc en toute confiance. En outre, 44% des nôtres, soit près de la moitié, déclarent croire ce qu’ils lisent et voient sur les réseaux sociaux. Rien d’étonnant à l’utilisation – parfois l’instrumentalisation – des influenceurs par les partis politiques, essentiellement les plus nantis, voire le plus nanti.
Ce n’est pas un hasard non plus qu’un chanteur comme Dizzy Dros ait accumulé près de 50 millions de vues (dont plusieurs millions en quelques jours) pour son dernier clip « M3a L3echrane », voici trois mois, et d’autres chanteurs disent tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, et parfois même ne pensent pas mais qu’ils apprennent à penser.
Par ailleurs, concernant l’émigration et sur les 5 millions de Marocains du monde, 4 millions sont partis depuis 2000 et 2 millions depuis 2010. Il est intéressant de savoir que le désir d’émigrer est pour les trois-quarts des migrants d’origine économique, et que l’émigration féminine, essentiellement pour les diplômées du supérieur, est en croissance régulière.
Plus globalement, on apprend à la lumière de différentes études locales ou étrangères (comme l’Arab Barometer) que les...
Marocains font plutôt confiance à leurs organes sécuritaires, accordent un crédit relatif (pour rester courtois) à leurs institutions politiques élues, préfèrent éviter la justice et ont franchement peur de tomber malades, pas pour le légitime souhait de bonne santé mais en raison de l’état calamiteux de la santé publique.
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