Congo Hold-up au delà de l’indignation
Depuis une semaine, un groupe de médias internationaux et d’organisations non gouvernementales, dont le Groupe d’étude sur le Congo, publie des révélations accablantes sur les malversations financières au sein de la BGFIBank RDC, lesquelles impliquent l’entourage de Joseph Kabila. Au total, plus de 138 millions de dollars ont été transférés par des entreprises et des organismes publics vers des sociétés proches de l’ancien président. Ces révélations ont suscité de l’indignation des Congolais. Mais au-delà de l’indignation, que peut-il vraiment se passer ?
Bonjour !
Je m’appelle Fred Bauma et je suis directeur de recherche au sein du Groupe d'étude sur le Congo, centre de recherche basé à l’Université de New York.
Dans ce 41e numéro de Po Na GEC, notre capsule audio qui tente d’éclairer les questions d'actualité en RDC, je reviens sur ce nouveau scandale et l’opportunité qu’il offre dans la lutte contre la corruption et l’impunité.
C’est une histoire de gros chiffres : 3,5 millions de documents sensibles d’une banque, la BGFIBank, analysés par 19 médias et 5 organisations non-gouvernementales pendant plusieurs mois. La plus grosse fuite de données sensibles en Afrique, selon la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF).
C’est aussi l’histoire des millions de dollars disparus des caisses de l'État et transférés à des particuliers et entreprises proches de l’ancien président de la République, Joseph Kabila. Plus de 138 millions de dollars provenant de la Ceni, de l’Onu, de la Gecamines, et surtout de la Banque centrale du Congo ont atterri dans des sociétés telles que Sud Oil, Egal, Kwanza Capital, toutes liées à la famille et à des proches de Joseph Kabila.
Si les chiffres sont énormes, on n’est cependant pas au premier scandale qui implique l’ancien président et ses proches ou même la BGFIBank RDC, longtemps dirigée par Francis Selemani et détenue à 40 % par Gloria Mteyu, respectivement frère et sœur de Joseph Kabila.
Et les chiffres sont toujours aussi importants, si pas bien plus. En 2016, la BGFIBank RDC avait déjà été au centre des controverses lorsqu'un de ses cadres Jean-Jacques Lumumba, avait alerté sur les pratiques douteuses au sein de cette banque. A l’époque déjà, des transferts d’ordre de plusieurs dizaines de millions de dollars s’effectuent entre la Banque centrale et Égal, une compagnie qui appartient à des hommes d'affaires proches de Kabila.
En 2017, une enquête du GEC donne pour la première fois un aperçu de la richesse de Joseph Kabila: un réseau de 80 entreprises détenues par sa famille et ses proches.
D’autres recherches avaient également fait état de transactions mafieuses au bénéfice du réseau de Joseph Kabila et au détriment de l'État congolais. Ainsi, en 2013, l’Africa progress report, dirigé par Kofi Annan, notait que l'État congolais aurait perdu jusqu’à 1,4 milliards de dollars dans des opérations orchestrées par des proches de Joseph Kabila, entre 2010 et 2012. L’organisation anglaise Global Witness affirme, quant à elle, que entre 2013 et 2015, 750 millions de dollars destinés aux taxes n’ont jamais atteint les caisses de l'État. Centre Carter, The Sentry et d’autres organisations ont également démontré des scandales du même ordre.
Et l’alternance au pouvoir en 2018 n’a pas mis fin à ces malversations impliquant les dirigeants congolais. Ainsi, quelques mois après l'arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, d’autres scandales financiers explosent autour du programme d’urgence des 100 premiers jours du chef de l’État. La population congolaise, quant à elle, n’a pas vu sa situation s’améliorer. Plus de 70 % des congolais vivent encore sous le seuil de la pauvreté et 43 % d’enfants en RDC souffrent de malnutrition, selon la Banque mondiale.
Si pour certains, Congo Hold-up est un scandale de plus, il a cependant plusieurs particularités qui offrent des opportunités pouvant permettre la fin de l’impunité. Pour la première fois, ces documents offrent un regard interne et détaillé sur les faiblesses du système bancaire congolais. Ils donnent aussi des preuves accablantes sur des pratiques financières douteuses, des preuves qui peuvent servir la justice. Enfin, il permet aussi de retracer précisément les fonds et donc de pouvoir les remettre dans la caisse de l’Etat.
Officiellement, La ministre de la justice a instruit le parquet à ouvrir une information judiciaire sur ces « révélations de détournements de fonds publics impliquant plusieurs sociétés congolaises et internationales ». Enfin une lueur d’espoir pour la fin de l’impunité pour des crimes économiques ?
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