Le genou d’Aziz Akhannouch - Par Aziz BOUCETTA
Ils étaient des centaines de milliers, voire des millions, à suivre cet instant spécial du mois de ramadan, en l’occurrence la prière de la Nuit du Destin. Traditionnellement, le 26ème jour de ce mois, le roi, en sa qualité de commandeur des croyants, accomplit sa prière, tantôt à Casablanca, tantôt à Rabat, ou ailleurs, dans la plus grande solennité.
Cette année, l’événement qui aura retenu les regards et marqué les esprits est la posture inhabituelle et l’état de santé du chef du gouvernement Aziz Akhannouch, peinant à accomplir les gestes rituels, à proximité du roi. Cela a donné lieu à divers commentaires.
Et le plus gênant furent ces commentaires acerbes, parfois même venimeux, moqueurs, sarcastiques ou imprécatoires qui ont aussitôt empli les réseaux sociaux. Les uns, se pensant sachants ou, mieux, détenteurs d’une vérité suprême, divine, ont vu dans la situation de santé de M. Akhannouch une « punition céleste » contre cet homme qui préside le gouvernement et qui « paie » pour sa politique, certes quasi unanimement contestée, rejetée.
D’autres se sont délecté de la vue de cet homme qui souffrait visiblement le martyre mais qui a tenu à faire le job et à assurer sa présence jusqu’au bout, avant de rentrer chez lui et non à l’hôpital comme il a été rapporté ici et là. Il aurait pu se faire porter pâle, pour l’excellente raison d’un genou malade et donc d’un problème de structure et de mobilité, mais il était là.
Il était là, soufrant, tanguant, cherchant désespérément la meilleure posture, se contorsionnant, ajustant fébrilement son selham, transpirant, tremblant, mais il était là, tenant son rôle de chef du gouvernement placé à la gauche du chef de l’Etat. Il faut lui en savoir gré.
Et précisément, et c’est rassurant, après une montée des sarcasmes, des imprécations et autres anathèmes, les internautes se sont repris et, très vite, les messages de compassion ont afflué, puis inondé les réseaux. Et c’est ainsi qu’est cette âme marocaine, fondée et bâtie sur le respect de l’Autre, d’abord et avant tout.
C’est pour cela que dès notre plus jeune âge, nous avons appris à ne pas nous moquer de plus faible que soit, de ne pas railler les malheurs des autres. Un peu de fatalité, un zeste de foi, beaucoup d’éducation. C’est pour cette raison aussi que la caricature... n’est pas, ou alors très peu, tolérée dans ce pays.
Les dessins sarcastiques ne sont pas des caricatures, mais de simples illustrations drolatiques, mais nullement injurieuses. Amplifier le défaut physique d’un personnage public n’est pas inscrit dans nos mœurs, pas plus dans les médias que sur la Toile.
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