Épisode 7 - Ne jamais renoncer à sa création avec Diane Brasseur
Diane Brasseur revient sur ses les plaisirs immenses et minuscules qui ont jalonné son parcours et qui l’ont amenée à devenir romancière...
Diane Brasseur est une romancière particulièrement appréciée à l’Ecole Les Mots. Elle a été l’une des premières à rejoindre l’aventure lors de la création de l’école en 2017 et, trois ans plus tard, ses ateliers ne désemplissent pas. Ecrivaine et scripte pour le cinéma, Diane voue une passion absolue aux souvenirs et mène un combat : celui de ne jamais laisser un artiste renoncer à sa création.
Dans ce podcast, elle revient sur les plaisirs immenses et minuscules qui ont jalonné son parcours et qui l’ont amenée à devenir romancière : le premier rapport au papier, les premières lectures, les ateliers d’écriture qu’elle a fréquentés dès l’âge de 14 ans, le premier coup de fil d’éditeur dont elle livre un récit saisissant. Elle nous lit ses brouillons d’adolescence, nous montre ses carnets et nous explique la façon toute artisanale dont elle a fabriqué son dernier roman, à partir de milliers de lettres familiales. Une vraie immersion dans son propre atelier d’écrivaine.
Autrice de trois romans, tous parus aux éditions Allary, “Les Fidélités” (2014), “Je ne veux pas d’une passion” (2015) et La Partition (2019), Diane Brasseur a tourné une trentaine de long métrages avec des cinéastes comme Olivier Marchal, David Foenkinos, et Valérie Lemercier et aime particulièrement accompagner des réalisateurs pour le tournage de leur premier film : Nicolas Bedos, Abd Al Malik, Andréa Bescond et Eric Metayer par exemple.
Crédits
Création et réalisation : Lauren Malka. Musique : “Machine à écrire” Paroles : Louise Pressager / Musique Ferdinand Identité graphique : Nina Jovanovic. Direction générale : Elise Nebout.
Extraits lus par Diane Brasseur : Extraits de ses journaux intimes :
Extrait lu par Lauren Malka : “Les Fidélités” de Diane Brasseur (premières pages)
“Je ne veux pas vieillir. Je ne veux pas que des taches brunes apparaissent sur mes mains, je ne veux pas avoir la goutte au nez sans m’en rendre compte, je ne veux pas demander à mon interlocuteur de répéter ce qu’il vient de dire en glissant ma main en cornet derrière mon oreille pour faire caisse de résonance. Je ne veux pas oublier le nom d’une ville où j’ai été, je ne veux pas moins bander, je ne veux pas qu’on me cède la place dans le bus même s’il m’arrive de le faire, même si je dis à ma !lle de le faire. Je ne veux pas envisager la mort sereinement. J’ai 54 ans et, depuis un an, je trompe ma femme avec une autre femme, une femme plus jeune que moi, une jeune femme qui a vingt-trois ans de moins que moi.
Je voudrais qu’ils aient tort, ceux qui penseront : «Et alors ? Ce sont des choses qui arrivent au bout de dix-neuf ans de mariage.» Ceux qui auront de l’empathie pour moi parce qu’ils ont déjà vécu cette situation, ceux qui tenteront une explication psychologique. Je voudrais les empêcher de faire le calcul : «Quel âge auras-tu quand elle aura 37 ans ? » Je voudrais qu’ils aient tort, ceux qui nous regardent un peu trop longtemps dans la rue, au parc, au restaurant. Ceux qui m’adressent un sourire complice et viril comme si j’étais au volant d’une belle voiture. Je ne serais pas surpris si, un de ces jours, je recevais une tape amicale dans le dos.
À quoi ressemble la maîtresse d’un homme marié ? Elle est belle, elle est jeune, elle est un tout petit peu vulgaire. Son appétit sexuel est insatiable. Elle est fragile et elle n’a pas con!ance en elle. Elle ne s’engage pas, ça l’arrange d’être avec un homme marié. J’ai un radar maintenant, j’entends au milieu des conversations, dans les cafés ou au cours d’un dîner, tout ce que j’aurais pu dire moi-même, avant. C’est devenu une obsession, tous les couples que je regarde sont illégitimes. Si je vois un homme embrasser une femme, passionnément, dans l’avion, je pense : « Ce n’est pas ta femme.»
J’observe les couples s’étreindre, tard le soir, sur le quai du métro. Ces deux-là sont dans les bras l’un de l’autre depuis trop longtemps pour ne pas être dans l’interdit. J’imagine leur conjoint respectif. Je n’aime pas le mot «maîtresse ». Je l’associe à la voix nasillarde de mes camarades de classe à l’école primaire. J’ai une maîtresse, j’ai une liaison. Je suis in!dèle. Je le répète mentalement plusieurs fois par jour pour m’en convaincre. J’ai l’impression de penser à la place d’un autre homme."
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