Attention sans corps intermédiaires, la colère prend corps - Par Aziz BOUCETTA
Lorsque les Marocains avaient massivement adopté en 2011 l’actuelle constitution, ils avaient aussi conscience que ce texte était fondateur d’un Maroc nouveau sur le plan politique. Tout y était prévu ou presque, des pouvoirs du gouvernement aux libertés fondamentales, de l’indépendance consacrée de la justice aux organes de gouvernance. Il fallait juste mettre tout cela en place et en pratique en instaurant les valeurs d’éthique et de civisme, et bien évidemment une perception de confiance. Las.
Juste après la promulgation du texte constitutionnel, il avait semblé que les populations avaient eu un regain d’intérêt pour la chose politique ; les partis politiques étaient plus hardis, voire même plus intelligents et surtout intelligibles, les syndicats moins inaudibles quoique toujours peu crédibles, les associations de la société civile donnaient de la voix pour arracher les droits encore enfouis dans la Tradition (libertés fondamentales, égalité vraie, sécularisation de plusieurs lois,…), l’adhésion des populations aux discours de différents partis politiques était plus importante, et cela devait se voir dans les taux de participation aux élections suivantes.
Bref, cette constitution devait améliorer le capital institutionnel du royaume, pour l’ancrer dans une pratique démocratique irréversible fondée sur des corps d’intermédiation puissants, organisés et influents. La politique est faite d’expression et de passion, parfois la crispation, souvent la tension et toujours l’émulation. Le talent y tient une grande place, l’innovation est incontournable et l’amélioration des institutions, des structures et des programmes ne doit pas cesser. Mais avec le temps va, tout s’en va disait l’autre, et essentiellement les meilleures dispositions et les bonnes habitudes.
En douze ans, il y a eu un inversement incompréhensible. De beaucoup de communication et de charisme et peu de talents en 2012, le Maroc des personnels politiques est passé à bien plus de compétences mais très peu de communication. Les deux n’ont pas fonctionné (même si le mandat actuel n’en est encore qu’à sa première moitié). Une politique conquérante doit être la combinaison de talent et de communication, d’un savoir-faire qu’on fait savoir.
Mais il y a un autre problème, bien plus insidieux, car il déterminera la bonne tenue, ou pas, de la politique, et de la stabilité du pays. Entre les populations et les gouvernants doivent prospérer ce qu’on appelle les corps d’intermédiation, essentiellement les partis politiques, les syndicats et les associations de la société civile.
1/ Les partis politiques. Leur objectif unique est de figurer dans une majorité, idéalement de la conduire ; les dirigeants de ces partis se trouvent ainsi au gouvernement. Mais une fois leur objectif atteint, ils se taisent,...
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