Turquie: la fin de 20 ans de règne d’Erdogan ? - Par Mustapha SEHIMI
C’est donc pour le 14 mai prochain: les scrutins présidentiel et parlementaire ont été en effet avancés. Recep Tayyip Erdogan, qui règne pratiquement sur la Turquie depuis vingt ans, se trouve cette fois-ci en difficulté tant au niveau interne qu’à l’international.
Sa formation, le Parti de la justice et du développement (AKP) est devancé de 4 à 6 points selon les sondages par le candidat de l’opposition, Kemal Kiliçdaroglu, lequel pourrait même l’emporter dès le premier tour. Erdogan a des chances de perdre le pouvoir.
Cette année est particulière. Elle marque en effet la célébration par la République du 100e anniversaire de sa fondation. Elle va aussi marquer le choix que vont faire quelque 53 millions de Turcs appelés à choisir dans quatre semaines entre la continuité du président Erdogan -au pouvoir sans discontinuer depuis 2003- et l’ouverture d’une nouvelle page de l’histoire moderne de la Turquie. Un tournant pour le présent et l’avenir de la Turquie.
Ce serait réducteur que d’appréhender la politique turque uniquement sous cet angle: celui d’une confrontation entre les visions kémalistes d’Atatürk et erdoganistes - entre les Turcs laïcs et les conservateurs. C’est sans doute plus complexe: le facteur identitaire n’est pas suffisant pour comprendre les dynamiques socio-politiques du pays. Le vote sera un choix de politique interne mais aussi sur le rôle d’Ankara au niveau international, sur ses alliances et ses choix stratégiques.
Ce qui est acquis pour l’heure, c’est que le consensus autour d’Erdogan et de l’élite politique qui l’entoure s’est sensiblement rétréci. La situation économique et financière de l’exécutif Erdogan a fragilisé une partie de son électorat, notamment la classe moyenne confrontée à une inflation galopante. La centralisation croissante du pouvoir a conduit à un système de gouvernement unipersonnel en même temps qu’à un processus de régression démocratique justifié officiellement par des attaques terroristes et un coup d’Etat manqué de juillet 2016.
Lors des élections locales de 2019, la désaffection à l’égard d’Erdogan s’est exprimée avec l’échec des candidats de la coalition majoritaire dans les trois grandes villes du pays, Istanbul, Ankara et Izmir. A cela s’ajoute le dramatique tremblement de terre du 6 février dernier qui a fait plus de 45.000 morts. Il a touché des provinces où Erdogan avait toujours bénéficié d’un large soutien; il a mis en évidence le manque de prévention, les faiblesses et les incohérences des politiques publiques.
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