Que reproche-t-on Ă la Monusco ?
Le 25 juillet, une sĂ©rie de manifestations a dĂ©butĂ© contre la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) dans les villes du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Au moins 23 personnes sont dĂ©cĂ©dĂ©es dont 20 civils manifestants et trois membres du personnel militaire de la Monusco. Plusieurs biens appartenant Ă la mission onusienne ont Ă©tĂ© volĂ©s.Â
Comment expliquer cette hostilitĂ© d’une partie des  Congolais contre la Monusco ?Â
Bonjour et bienvenue dans ce 22e épisode de la saison 2 de Po na GEC, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Reagan Miviri, chercheur sur la violence d’Ebuteli, partenaire du Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New-York. Nous sommes le vendredi 29 juillet, et cette semaine, nous nous intéressons aux manifestations anti-Monusco.
Nous assistons Ă une Ă©nième mobilisation contre la mission des Nations unies. Des manifestants reprochent Ă la Monusco avec au moins 13000 casques bleus d’avoir Ă©chouĂ© dans son mandat qui est principalement celui de la protection des civils. Ce bilan mitigĂ© a Ă©tĂ© documentĂ© dans plusieurs rapports. Pour certains, la prĂ©sence de la Monusco empĂŞcherait, dans une certaine mesure, Ă l’État congolais d’assumer seul ses obligations.Â
La perception de la Monusco a Ă©voluĂ© avec le temps, c’est ce que montre le dernier sondage face-Ă -face rĂ©alisĂ© par BERCI, le GEC et Ebuteli. Alors qu’en 2016, 63 % pensaient que la mission faisait du bon travail pour protĂ©ger les civils ; aujourd’hui 23,6% seulement le pensent. Alors qu’en 2016, 55,1% ont dĂ©clarĂ© qu'il n'Ă©tait pas temps pour la Monusco de partir, aujourd'hui, 44,7 % disent que la mission onusienne devrait partir maintenant (ce chiffre Ă©tait de 29,4 % en 2016).Â
Les revendications ont Ă©galement progressĂ© ces dix dernières annĂ©es. Une première manifestation organisĂ©e par la Lucha avait lieu Ă l’occasion de la visite Ă Goma en septembre 2013 du secrĂ©taire adjoint de l’ONU chargĂ© du maintien de la paix. Ă€ l’époque la revendication Ă©tait que la Monusco soit plus offensive contre les groupes armĂ©s. Cette mobilisation avait contribuĂ© Ă la crĂ©ation de la brigade d’intervention (FIB) qui sera dĂ©terminante dans la dĂ©faite du Mouvement du 23 mars (M23). Avec la rĂ©surgence des massacres Ă Beni, des nouvelles manifestations vont s’organiser demandant Ă la Monusco d’agir sinon de partir !Â
Le discours contre la Monusco va se radicaliser vers 2021 avec l’exaspĂ©ration liĂ©e Ă la poursuite des massacres. Le message Ă©tait clair : la Monusco doit partir. Avec comme consĂ©quences les manifestations rĂ©primĂ©es à Beni, Goma et Nyiragongo. Il va s’en suivre une sorte de rĂ©signation Ă l'Ă©gard de la Monusco.Â
En 2022, la rĂ©surgence du M23 est venue remobiliser la population contre un conflit perçu en RDC comme une agression rwandaise. Les questions sĂ©curitaires Ă©tant revenues en avant-plan, la Monusco est de nouveau dans le viseur d’une frange de la population qui est favorable Ă son dĂ©part. La dĂ©claration de la cheffe de la Monusco devant le conseil de sĂ©curitĂ© n’a pas Ă©tĂ© bien accueillie. Elle n’a pas indexĂ© le Rwanda et a semblĂ© avouer l’échec de la mission en disant que le M23 dispose de beaucoup des moyens et se comporte comme une armĂ©e. Une partie de la population est revenue Ă la charge en disant que si la Monusco ne peut pas combattre le M23 alors sa prĂ©sence ne se justifie plus.Â
Ă€ ces reproches et revendications, la Monusco rĂ©pond souvent par des arguments rejetant la responsabilitĂ© au seul État congolais. Pourtant, c’est exactement parce que l'État n'Ă©tait pas en mesure de s'occuper de la protection de civils qu’elle est venue en RDC. La Monusco pointe du doigt une supposĂ©e manipulation des populations. Il est vrai qu’il y a eu des discours des politiciens qui ont appelĂ© Ă son dĂ©part. Tel est le cas par exemple du prĂ©sident du sĂ©nat. Cependant, il apparaĂ®t que ces politiciens sont venus profiter des revendications anciennes et insistantes d’une population sans cesse victime de l’insĂ©curitĂ©. En mĂŞme temps, ils profitent aussi pour rediriger les frustrations qui pouvaient les viser vers la Monusco.Â
Il n’est pas certain que la Monusco va quitter la rĂ©gion Ă la suite des Ă©vĂ©nements en cours. Le conseil de sĂ©curitĂ© de l'ONU a prolongĂ© le mandat d'une annĂ©e supplĂ©mentaire malgrĂ© les manifestations de 2021 qui ont Ă©galement Ă©tĂ© violentes. NĂ©anmoins, il existe un plan de sortie discutĂ© avec le gouvernement congolais qui est censĂ© se dĂ©rouler sur plusieurs annĂ©es.Â
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