Tech Trash, la newsletter qui décape la startup nation, avec Lauren Boudard et Dan Geiselhart
Réunis par l’idée de créer un média un peu pirate pour parler du monde de la tech, Lauren Boudard et Dan Geiselhart ont lancé en 2017 la newsletter Tech Trash. Ton ironique, visuels décalés, rubriques mordantes comme la fameuse “bulshit quote” de la semaine, ils ont rapidement trouvé une identité percutante, sans oublier le fond. Avec aujourd’hui plus de 30 000 fans de ce rendez-vous hebdomadaire.
En avançant, le duo a vu tout le potentiel du format des newsletters. Ils viennent de réussir leur campagne de financement participatif pour lancer une nouvelle newsletter, Climax, sur le climat : 2000 personnes ont souscrit un abonnement payant. Parce que l’objectif pour eux est maintenant de vivre en développant ces petits médias. Et en accompagnant d’autres projets éditoriaux, grâce à leur studio judicieusement baptisé Courriel.
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Pour aller plus loin
https://www.climaxnewsletter.fr/
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L’essentiel de l’épisode
04:20 Tech trash est né d’un constat mêlé d’une frustration : dans le milieu feutré de l’innovation, beaucoup de choses se disent en off et bien souvent dans les médias on trouve surtout les levées de fonds. Il y a assez peu de critiques. Quand on s’est lancé en 2017, la startup nation avait le vent en poupe.
06:45 On s’est positionné avec notre ton : on parle un peu des mêmes choses que dans les médias tech mais un peu différemment, en mettant en lumière les trucs qu’on aime pas. Les lecteurs trouvaient chez nous quelque chose qu’ils ne trouvaient pas ailleurs. L’idée était de proposer un récit alternatif au mythe entrepreneurial.
08:15 On a réfléchi Tech Trash comme un média, avec de nombreuses rubriques. Il y a une tendance aux newsletters très incarnées, avec un édito écrit à la première personne. Nous, on a surtout voulu l’incarner par le ton et pas les personnes. Le Canard Enchaîné nous a inspiré, avec ses rubriques et son ton : on se sent un peu les pirates de la tech.
09:55 Il y a une couche d’analyse et de données scientifiques, une couche de catharsis quand on pointe des propos absurdes et une touche d’humour et de poésie. Tout cela donne un ton unique. Et les rubriques permettent de créer un équilibre dans tout ce qu’on essaie d’insuffler dans la newsletter. On est assez différent des newsletters à l’américaine.
10:40 Ces rubriques crĂ©ent aussi le rdv toutes les semaines, certaines touchent les gens, les font marrer, notamment la fameuse “bullshit quote”.Â
11:35 A la base, l’identité visuelle était à l’arrache. On l’avait dessinée seuls. On en a gardé le fait de prendre des photos et de réécrire dessus sur Paint pour le côté caricature et pirate qu’on aime bien. Plus tard, on a été accompagnés par un très bon graphique qui nous a refait notre identité visuelle plus précise qui fonctionne très bien et garde le côté dessiné à la main qu’on aime beaucoup.
16:18 Souvent les newsletters sont des aventures individuelles. Pour nous ce n’est pas totalement le cas, du coup ça nous demande un travail de coordination et de ne pas trop avoir d’ego quand l’autre repasse sur le texte. On fait un très gros travail de veille, on s’envoie des notes et des commentaires sur un Google doc. On Ă©crit puis on repasse sur les sujets de l’autre pour obtenir un ton uniforme mĂŞme si on est deux.Â
17:20 Tech Trash on le voit comme un collectif et beaucoup de gens nous envoient des infos.Â
19:50 Au début on l’a fait sans réfléchir au business model, parce qu’on avait très envie de porter cette voix différente. On avait quand même envie que ce soit un vrai média, même si à l’époque, la newsletter était vue comme un hobby et tout le monde pensait que ça s’écrivait en 2h avant de l’envoyer.
22:30 La publicité a été écartée de fait. Le payant, on a eu du mal à trancher. Du coup on s’est reporté sur le modèle du don parce qu’on avait atteint une communauté suffisamment grande  et avec un engagement suffisamment fort pour pouvoir espérer financer notre journée par semaine à de travail pour chacun.
23:30 On a 30 000 abonnés et vu qu’on n’a jamais fait de pub, la croissance s’est faite par pics. Lorsqu’on avait des reprises dans un média ou que la newsletter était relayée par un influenceur, d’un coup on prenait 1000 abonnés. Maintenant, avec la taille, on gagne plusieurs centaines de nouveaux abonnés par semaine via le bouche à oreille.
25:15 Beaucoup de nos abonnĂ©s les plus engagĂ©s bossent dans le milieu de la tech ou des startups, aussi des geeks, des passionnĂ©s des nouvelles technologies.Â
La bonne surprise, ça a Ă©tĂ© que notre audience est assez Ă©quilibrĂ©e hommes-femmes.Â
26:45 La tech est un univers codé et pour comprendre certaines bullshit quotes il faut le connaître pour comprendre la saveur.  Pour certains maintenant ça devient une manière de découvrir cet univers.
28:00 Une autre bonne surprise ça a été que les gens répondent assez naturellement à la newsletter, comme si c’était le mail d’un pote. On a l’image du format de l’email qui est assez vertical et froid, et en fait il permet bien l’interaction. Et d’ailleurs on essaie de répondre à chaque mail.
30:05 Au lancement de Tech Trash, on s’est posé la question du fond mais pas vraiment de la forme. C’est le fait d’avoir investi ce format durant 3 ans qui nous a convaincus qu’il est hyper intéressant à investir, notamment pour s’affranchir de contraintes d’un média traditionnel comme l’algorithme de Facebook pour diffuser les articles. Il n’y a pas d’effets extérieurs qui viennent parasiter, avec en plus une liberté de ton et de format.
31:50 Pour nous, la newsletter est avant tout un format éditorialisé. C’est un peu le nouveau journal que tu reçois dans ta boîte mail plutôt que dans la boîte aux lettres.
35:20 La newsletter existe depuis toujours, comme le podcast, et Ă un moment on s’est dit que c’est le renouveau du journalisme. Ce qu’on peut dire c’est que c’est un format sous utilisĂ© et il y a plein de choses Ă faire.Â
36:05 C’est un format pas très coûteux, à part en termes de temps. C’est un média très accessible, pas coûteux et pas compliqué techniquement. Cela permet à plein de monde de se lancer sur un sujet de niche, une thématique qui les passionne. Comme à l’époque des blogs ou des radios pirates. On a bien 10 ans devant nous.
37:05 On n’est pas très loin d’en vivre assez raisonnablement. Il y a de la marge parce que c’est assez léger, pas besoin de générer un revenu trop important pour assurer une forme de pérennité.
37:50 Avec Climax, on a basculé sur le payant. La campagne de financement participatif a permis de lever 3 fois plus qu’avec Tech trash en 3 fois moins de temps. Mais c’est vrai que c’est encore balbutiant en France, il n’y a que Brief me qui y arrive.
39:55 La passion economy permet de générer des revenus qui donnent une liberté à des journalistes mais il y a aussi une vraie force dans le collectif, qu’on peut potentiellement perdre avec la solitude de la newsletter. Avec Climax, on veut recréer une dynamique de comité de rédaction. Je ne pense pas que tous les sujets seront épluchés pour ne devenir que des sous-verticales de niches. C’est plutôt un phénomène américain.
On croit beaucoup à l’intelligence collective, de faire des projets à plusieurs.
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CrĂ©ditsÂ
Interview : Jean-Baptiste Diebold
Idée originale :  Elise Colette etJean-Baptiste Diebold
Design graphique :Benjamin Laible
Générique et habillage sonore :Boris Laible
Intégration web : Florent Jonville
Production : Ginkio